Cette article était publié en anglais dans le numéro 83 du journal Proletarian Revolution (automne 2010).

Une version de cette article était publié le 29 d’Octobre dans Revolutionary Transit Worker, le bulletin de la League for the Revolutionary Party (LRP) parmi les travailleurs du transport publique de la ville de New York.


Des millions de personnes protestent pour défendre les retraites

Les travailleurs français luttent contre les attaques

Cela fait presque deux mois que des millions de jeunes et de travailleurs français se sont élevés contre les attaques du gouvernement concernant les retraites. Le président capitaliste de droite, Nicolas Sarkozy, et le parti qu’il dirige, l’UMP, majoritaire au Parlement, sont en train d’adopter une loi pour élever l’âge de la retraite tout en diminuant le montant des pensions.

Les capitalistes français et leurs partis avaient déjà entamé des combats similaires auparavant, en 1995, 2005, et 2006. D’importantes grèves et soulèvements de travailleurs et de jeunes ont déjà en partie repoussé le gouvernement dans ses tranchées. La lutte actuelle, en revanche, est la révolte des jeunes et des travailleurs la plus importante et la plus puissante dans un pays développé depuis mai 1968. Durant six « jours d’action », du 7 septembre au 19 octobre, les travailleurs ont bloqué la majeure partie des secteurs publiques et privés. Plus de trois millions de personnes sont sorties dans la rue pour manifester dans les villes de grande et moyenne importance, et même dans les plus petites.

Entre ces jours d’action, appelés par les six principaux fédérations syndicales, les piquets de grève ont été maintenus dans les différents secteurs d’activité. Les postiers, les dockers, les ouvriers des raffineries, les travailleurs de la SNCF, de la RATP, de l’industrie automobile – toutes ces catégories et même davantage ont fait grève, et parfois toutes en même temps. Les routiers ont instauré l’ « Opération Escargot » sur les principaux axes, provoquant d’immenses embouteillages. Les piquets de grèves des employés des raffineries ont été si efficaces que plus d’un quart des stations essences dans tout le pays n’avaient presque plus d’essence ni de diesel, voire plus du tout.

Les CRS ont rompu les piquets de grèves dans quelques raffineries importantes. Sans résultat : aucune livraison n’a eu lieu, et des douzaines de pétroliers sont restés bloqués au large, en attente. Tous les jours, des nouveaux secteurs d’activité sont entrés en grève, et ceux qui l’étaient déjà se sont « radicalisés », pour reprendre les paroles des journalistes pro capitalistes inquiets.

Depuis la première semaine d’octobre, les élèves des lycées et les autres jeunes ont rejoint le combat. Leurs grèves ont paralysé un quart des lycées du pays. Dans les quartiers dimmigrés de Paris et des autres villes, des milliers de jeunes noirs africains, Caribéens, et maghrébins ont vaillamment répondu au racisme brutal des CRS.

Les mouvements des jeunes et des travailleurs ont causé beaucoup de dérangement à la plupart de la population : pendant plusieurs jours il n’y avait pas de métro, ni d’essence pour les voitures, ni de circulation possible, les approvisionnements de nourriture ont été interrompus, et les villes bloquées par des manifestations en masse. Et pourtant, les sondages ont montré qu’entre 59 et 70 pour cents de la population ont soutenu le mouvement des travailleurs.

En effet, les ouvriers et beaucoup de travailleurs de la classe moyenne comprennent que cette lutte concerne également leurs propres intérêts. Ils constatent que le productivité a plus que doublé ces 40 dernières années, permettant à un même nombre de travailleurs d’avoir un rendement identique en moitié moins de temps. Logiquement, les travailleurs devraient donc prendre leur retraite beaucoup plus tôt ! Les jeunes voient que si les travailleurs actuels doivent travailler plus longtemps, peu d’opportunités de travail s’ouvriront à eux – dans une période de chômage des jeunes très élevée, surtout pour les jeunes Noirs et Arabes.

Les ouvriers français et la classe moyenne voient le président Nicolas Sarkozy dans son arrogance, envoyant des régiments entiers de policiers contre les travailleurs, tout en jetant à la pelle des centaines de milliards d’euros aux banquiers et aux compagnies d’assurance, qui ont provoqué la crise. Ils voient le Ministre du Travail Woerth enseigner le sacrifice aux travailleurs. C’est l’homme qui a fait embaucher sa femme par le PDG de L’Oréal – pendant qu’il décidait du montant des charges fiscales.

Sarkozy affirme que la loi est déjà passée, donc chacun devrait abandonner la lutte. Mais les travailleurs savent que « Ce que le Parlement valide, la rue peut le faire annuler » Les travailleurs français disent « Assez ! Ne faites payer aux travailleurs la crise des patrons ! »

L’union des leaders empêche la grêve générale illimitée.

Les travailleurs appellent de plus en plus à une grève générale à durée indéterminéep: c’est à dire que tout le monde descende dans la rue et reste en grève jusqu’à ce que le gouvernement retire complètement sa «:réformer» des retraites. Des assemblées générales des délégués syndicaux, de plusieurs secteurs d’activité, et de différentes villes, se réunissent afin de décider et de voter démocratiquement ce qui leur reste à faire.

Malheureusement, les leaders des syndicats en France, comme leurs homologues aux Etats Unis, ne veulent pas une lutte militante des masses contre les patrons. Ils veulent «rmanger à la même tablem» que les patrons et les politiciens.»

En France, il y a d’importants partis qui se définissent eux mêmes socialistes, communistes, de Gauche ou anti capitalistes. Les leaders de ces différents partis et des syndicats qui leur sont proches ont déjà voté une partie de la «Eréformer» (le parti socialiste, la CFDT), ou bien mendient auprès de Sarkozy davantage de négociations (le parti communiste, la CGT), ou encore tiennent un discours radical sans prendre pour autant aucune initiative (le NPA, les Sud Solidaires). Ces prétendus leaders ont appelé à deux jours d’action supplémentaires, le 28 octobre et le 6 novembre (un samediu!), à la place d’une seule et unique grande grève générale. Ils ont fatigué les travailleurs avec ces actions isolées, tandis que les patrons ont attendu que ça leur passe.

Les bureaucrates à la tête des syndicats n’ont pas tenu compte des décisions démocratiques des Assemblées Générales, et ont décidé entre eux des actions à venir. Et lorsque les travailleurs et les jeunes ont dû défendre leurs manifestations et leurs piquets de grève des attaques de la police, ces mêmes leaders disparaissaient ou disaient aux travailleurs de se disperser. Ils se sont réunis secrètement avec les ministres pour leur assurer qu’ils pouvaient mettre fin au mouvement.

Pendant toute la semaine dernière, les bureaucrates n’ont eu de cesse de répéter, accomplissant ainsi leur propre prédiction, que le mouvement s’essoufflait. Ils ont dit que les travailleurs s’étaient suffisamment fait comprendre, et qu’il était désormais temps de porter la lutte à un autre niveaun: les élections à venir. Les travailleurs, dégoûtés, se sont progressivement remis au travail.

Si les travailleurs américains ne faisaient seulement qu’un dixième de ce que les Français avaient fait, cela serait pour nous un grand pas en avant. En effet, les travailleurs et les jeunes français sont tellement militants, qu’ils poussent leurs prétendus leaders à être encore plus militants qu’eux – en action et en parole.

Cependant les travailleurs français ont besoin d’une nouvelle stratégie et de nouveaux leaders, tout comme nous. Ces travailleurs français à l’esprit révolutionnaire, dont le nombre augmente, pourraient appeler à une grève générale dans chaque syndicat, à chaque réunion, et à chaque manifestation. Ils pourraient élire des Assemblées Générales dans chaque ville et une Assemblée Générale nationale pour mener cette grève générale. Ils pourraient organiser des piquets de grève tellement puissants et bien défendus que les CRS et les gendarmes perdraient chaque affrontement. Ceci serait le squelette d’une stratégie qui mettrait en échec la réforme des retraites des patrons.

Mais les patrons, en France comme ailleurs, retourneraient à l’attaque après avoir pansé leurs plaies. Ils sont obligés : le système capitaliste traverse une crise profonde et irréversible. Peu importe jusqu’à quel point la productivité augmente, les profits chutent. Les capitalistes peuvent seulement – et de manière temporaire – stopper cette chute des profits en virant un grand nombre de travailleurs et en faisant travailler plus dur et plus longtemps ceux qui restent, et pour moins d’argent.

Quand les travailleurs protestent, surtout les travailleurs «Qde couleurd», les capitalistes envoient leurs flics et leurs soldats. Les capitalistes peuvent seulement utiliser les énormes avancées technologiques de leur propre système pour appauvrir la classe ouvrière et tous ceux qui travaillent dur.

Seule la classe ouvrière peut utiliser ces avancées pour améliorer les conditions de vie de l’humanité – en renversant le système capitaliste et l’état capitaliste assassin, et en le remplaçant par leur propre état ouvrier révolutionnaire. C’est la révolution socialiste, et cela n’arrivera pas spontanément. Les travailleurs et les jeunes à l’esprit révolutionnaire doivent construire de manière consciente une organisation qui lutte pour une révolution socialiste en toute transparence à l’intérieur de chacune des actions des travailleursp; une organisation qui critique et défie les prétendus leaders actuels. Cette organisation, c’est le parti révolutionnaire.

En France, il y a des organisations qui se proclament socialistes révolutionnaires. Ces dernières années, ces organismes ont fait publier leurs propres textes, ont manifesté et fait occasionnellement la grève ensemble avec leurs collègues, et ont réussi à garder leur réputation de révolutionnaires. Maintenant ils sont confrontés au test d’une lutte de classe difficile. Comme nous l’avons dit, la plupart des prétendus leaders socialistes ont échoué à ce test.

Les travailleurs et les jeunes Français les plus avancés retiendront les leçons de cette lutte, et mettront au rebut leurs faux leaders. Aux Etats Unis, nous espérons aider nos frères et sœurs en France à construire le parti communiste des travailleurs dont nous avons besoind: en France, aux Etats Unis et partout ailleurs.

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