Cette article était publié en anglais en 1997 dans le numéro 53 du journal Proletarian Revolution, organe de la LRP.

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Les vingt ans de la LRP

En 1976 un petit nombre de camarades fonda la League for the Revolutionary Party (Ligue pour le Parti Révolutionnaire) aux Etats-Unis. Ce n’est pas un secret pour personne que les vingt dernières années ont été une époque difficile pour tous ceux qui se déclarent eux-mêmes communistes. Aujourd’hui cependant, nous évoquons nos accomplissements avec une fierté immense. Et de façon plus importante, nous attendons impatiemment les jours à venir avec une confiance encore plus grande que celle que nous avions au début.

Jim Cannon, le chef des premiers trotskystes américains, parlait des premiers temps quand ils étaient presque totalement isolés par la force du Parti Communiste, qui venait juste de les expulser sous les ordres de Staline. Il faisait référence à cette période comme étant les « années noires ». Par contraste, la LRP -- les trotskystes d’aujourd’hui -- a eu ses « années noires ». Notre organisation est née au début du déclin historique de la lutte de classes aux Etats-Unis, durant laquelle les dirigeants réformistes gardèrent une emprise ferme sur les masses, les poussant vers la passivité cynique.

Tout en reconnaissant les erreurs politiques tout comme les opportunités manquées, au fond il y a seulement une raison mineure pour notre incapacité à sortir de l’isolement. La barrière réelle a été la nature de la période que nous avons traversée. Les circonstances oppressives nous affectent toujours, mais les fissures dans les murs qui nous entourent commencent à s’élargir de manière appréciable. Les luttes de masses sont à l’horizon.

Analysons notre histoire

Trotsky nous a appris à avoir peu de patience avec ceux qui jugent une organisation seulement par sa taille. De telles personnes, disait-il, ont seulement atteint la conscience syndicale, pas la conscience révolutionnaire. La question décisive en évaluant une organisation politique est la puissance et la pertinence de ses idées politiques. Si nos politiques reflètent réellement les intérêts véritables de la classe ouvrière et montrent la voie à suivre, alors le nombre viendra avec l’initiative et le courage nécessaires.

Les vingt dernières années ont été témoin de la chute d’organisations gauchistes avec une taille et un pouvoir beaucoup plus grands que la LRP. Certaines sont simplement mortes. D’autres ont survécu sur le plan organisationnel comme des coquilles vides, mais ont abandonné les aspects des politiques révolutionnaires qui les avaient animés autrefois.

En plus des nouveaux camarades, un grand pourcentage des premiers cadres de la LRP sont encore avec nous, comme certainement ce n’est pas le cas dans d’autre groupes. Les gauchistes dont le niveau de jugement est l’activisme pur ont tendance à se brûler et à quitter rapidement le mouvement. Nous conservons un pied dans l’industrie quand de nombreux autres ont abandonné le leur. Les camarades ont enduré ça parce que nos idées politiques fournisssaient non seulement une ligne directrice précise de ce qui est arrivé dans le monde à plusieurs reprises, mais parce qu’elles représentaient si clairement les idées du marxisme authentique.

Notre programme a toujours été nettement clair et le demeure encore de nos jours : la LRP représente la révolution socialiste prolétarienne. Nous sommes intransigeants dans notre interracialisme et notre internationalisme, faisant de la lutte pour recréer la Quatrième Internationale notre tâche la plus importante. Nous avons fait de ces mots d’ordre très clairs le centre de notre travail quotidien au lieu des incantations gauchistes habituelles des jours fériés.

Bien sûr le communisme exige un niveau élevé d’activité. Les théoriciens en chambre ne valent rien, parce que le marxisme apprend ses leçons et trouvent les preuves réelles de ses positions seulement dans la pratique; la raison entière de son existence est d’aider à diriger la lutte de classes vivante. La capacité du parti de diriger sa classe peut seulement être développée par ces moyens. Ceci exige l’attention la plus prudente à la théorie et à l’analyse avant, pendant et après une intervention active. Comme Lénine l’a observé, il ne peut y avoir de pratique révolutionnaire sans théorie révolutionnaire.

Étant donné le cours de la lutte de classes depuis deux décennies, nous avons seulement eu des opportunités limitées pour participer à des grèves, des manifestations de masse et d’autres actions de la classe ouvrière; mais nous avons essayés de profiter de chaque occasion. Notre travail syndical a été restreint à une poignée de syndicats; mais dans ces syndicats nos partisans ont une longue tradition de travail révolutionnaire ouvert contre les patrons et la bureaucratie. Nos efforts au combat pour donner la direction aux mouvements étudiants de la classe ouvrière sont bien connus mais sont aussi limités à quelques endroits. Sachant que le capitalisme enseigne encore à une autre génération de Noirs, de Latinos, d’immigrants et de femmes ouvrières que l’oppression et la surexploitation sont ses armes de tous les jours, la LRP s’est lancée elle-même dans les luttes contre le racisme, le chauvinisme et le sexisme. Nous sommes fiers non seulement du quantité de travail que nous avons fait en fonction de notre petit nombre mais aussi de notre qualité politique -- et à quel point nous avons fait apprendre aux autres et à nous-mêmes à partir des ces expériences.

Nos origines

En 1975-76, la Revolutionary Socialist League (Ligue Socialiste Révolutionnaire) a expulsé sa minorité politique interne, la Revolutionary Party Tendency (Tendance pour le Parti Révolutionnaire), à cause de ses efforts pour garder la RSL sur un cours révolutionnaire. A l’intérieur de la RSL nous avons été soumis à une attaque anti-démocratique soutenue qui substituait les mensonges et les restrictions organisationnelles aux arguments politiques. La majorité du Comité Central n’a pas seulement interdit à tous les membres de lire notre document principal mais a soudainement ordonné la fin de la discussion politique elle-même. Après avoir inventé une série constamment changeante d’accusations, elle a expulsé nos dirigeants et ensuite nous tous. (Pour une analyse de notre combat, voir Socialist Voice no.1.)

En février 1976 nous avons lancé la LRP.Même si nous savions que la manière complètement bureaucratique que les expulsions furent conduites provenaient du fait que la RSL ne pouvait pas confrontée avec succès nos positions politiques, nos esprits n’étaient pas soulevés. Il serait juste plutôt de dire que notre humeur était lugubre. Le fait que la RSL ait abandonné la voie révolutionnaire était une défaite tragique. Le caractère bizarre des expulsions qui signalaient cette désertion et défaite était en opposition à l’enthousiasme qui avait accompagné la formation de la RSL.

La RSL est née d’une scission dans les International Socialists (Socialistes Internationaux) en 1973. Les IS dans ce temps-là étaient composés à la fois des schachtmanistes de gauche et des disciples de Tony Cliff, le chef des IS britanniques (maintenant le Socialist Workers Party). Les IS, qui étaient opposés aux autres groupes politiques aux Etats-Unis et partout dans le monde qui se réclamaient de l’héritage du trotskysme, croyaient que la Russie et les autres pays staliniens n’étaient pas des États ouvriers dégénérés et déformés. Les membres des IS affirmaient soit que ces États étaient une nouvelle forme de société « collectiviste bureaucratique », ni capitaliste ni socialiste, ou bien ils soutenaient un point de vue très similaire à l’effet que c’était une étape totalement nouvelle dans le développement du capitalisme. Les deux points de vue voyaient les États staliniens comme étant réactionnaires mais supplantant le capitalisme traditionnel.

Avec le déclin du mouvement étudiant des années 60, les IS se sont orientés eux-mêmes vers la classe ouvrière et ont construit une présence considérable dans les principaux syndicats. En tant que tel, ils étaient préoccupés principalement par l’énorme explosion de la classe ouvrière de la fin des années 60 et du début des années 70. Suite à la grève générale française massive en 1968, chaque pays dans le monde fit de même avec des soulèvements prolétariens massifs. Aux Etats-Unis, des révoltes se déchaînèrent dans les ghettos et des grèves sauvages éclatèrent à un rythme croissant à travers le pays. Une conséquence de ça fût la scission dans les IS en 1973 de laquelle émergea le RSL, emmenant presque la moitié des membres.

Contre le Rank and Filism (militantisme syndical par en bas)

Dans le combat contre les IS droitiers, nous prédisions que leur travail de construction des « caucus de la base » réformistes dans les syndicats, dans lesquels les politiques révolutionnaire n’étaient jamais soulevées, conduiraient inévitablement les IS à s’aligner sur les bureaucrates légèrement à gauche. Aujourd’hui le groupe Solidarity, qui tire ses origines des anciens IS, a même ouvertement abandonné toute prétention au léninisme et est accroché confortablement aux basques de Ron Carey des Teamsters, Jerry Tucker des Travailleurs de l’Automobile (UAW) et autres du même genre. Ils ont même franchi la ligne de classe pour endosser le réformateur bourgeois Ralph Nader pour la présidence des Etats-Unis.

La RSL à ses débuts avait énormément d’énergie. Nous sentions enfin qu’il y avait une organisation qui combattait pour une alternative ouvertement révolutionnaire aux bureaucrates; un groupe engagé à la reconstruction du parti révolutionnaire aux Etats-Unis et à la reconstruction d’une authentique Quatrième Internationale trotskyste partout dans le monde. Étant opposé aux débris de l’extrême-gauche centriste, la RSL combattait pour l’idée de Marx que la classe ouvrière pouvait atteindre elle-même la conscience révolutionnaire, construire son propre parti et se libérer elle-même ainsi que le monde du capitalisme. Une authentique conscience communiste n’était pas un cadeau des sauveurs condescendants.

Par conséquent, nous rejetions les points de vue cyniques des IS sur la Russie stalinienne, lesquels, mis à part la rhétorique, rejetaient la classe ouvrière en tant qu’agent révolutionnaire sapant le système. Dans la RSL, nous commencions à mettre au point la théorie du stalinisme en tant que capitalisme étatisé. Nous rejetions les théories sur les États ouvriers déformés et dégénérés des principaux pseudo-trotskystes. Quelque soit les erreurs théoriques que Trotsky a fait dans son analyse de l’URSS à la fin des années 30, il n’a jamais cru que les staliniens contre-révolutionnaires et anti-prolétariens pouvaient faire la révolution socialiste et construire des États ouvriers -- la position adoptée par les pseudo-trotskystes de l’après deuxième guerre mondiale après avoir contemplé la propagation du stalinisme en Europe de l’Est et dans des parties de l’Asie. Ce n’est pas par accident qu’aujourd’hui autant de ces épigones partagent amicalement le groupe Solidarity avec les anciens membres des IS.

Au début des années 70, la crise mortelle du capitalisme a remonté dramatiquement à la surface des évènements. La bourgeoise a commencé son offensive contre tous les gains fait par la classe ouvrière et les anciens peuples coloniaux partout dans le monde. Aux Etats-Unis, la récession économique de 1973-75 a frappé durement les travailleurs et la bureaucratie syndicale a réussi à isoler les grèves et à détourner les travailleurs vers le Parti démocrate et l’impasse électorale. Ainsi, la classe ouvrière et les minorités opprimées ont été préparées pour la retraite massive face à l’attaque capitalise qui continue encore de nos jours.

Ce blocage de la lutte des classes a eu son impact sur l’extrême-gauche, poussant les groupes vers la droite. Le cynisme, surtout au sujet du rôle du prolétariat, s’est accru. Dans la RSL, la direction a déclaré que les luttes ouvrières dans les années à venir seraient confinées aux « demandes syndicales et démocratiques ». Ceci n’était pas juste une prédiction mais une annonce à l’effet que la RSL cesserait de mettre de l’avant le besoin pour la révolution en tant que but de classe et se conformerait à une perspective réformiste.

Contre le travaillisme

Ce n’est pas par accident que la RSL a cristallisé sa position en appelant pour un parti travailliste aux Etats-Unis, rejoignant ainsi le reste du milieu pseudo-trotskyste dans une parodie de la position adoptée par Trotsky à la fin des années 30. Dans notre combat factionnel, nous soulignions que Trotsky avait mis de l’avant l’idée d’un tel parti à une classe ouvrière militante qui venait juste de créer les syndicats industriels CIO et, faisant face à une impasse, devait élargir sa lutte à l’arène politique. S’adressant à ces millions de travailleurs combattants, il était impossible d’être sectaire et de dire simplement « rejoignez-nous, le petit parti trotskyste » -- ces travailleurs voulaient un parti qui reflétait l’énorme puissance démontrée par leurs luttes de masse. Il argumentait que nous, comme eux, veulent un parti ouvrier indépendant de masse; donc nous appelons pour ça.

Cependant, parce que nous ne voulons pas un parti réformiste, nous mettons de l’avant notre programme transitoire de politiques pour la classe ouvrière qui indiquent inexorablement la révolution, mais qui sont aussi désirées par les travailleurs qui croient qu’elles peuvent être réalisées à travers des réformes. En luttant côte à côte avec la masse des ouvriers et en discutant les leçons de la lutte, nous pouvons les gagner à l’idée d’un parti révolutionnaire, ce que nous avons toujours prôné ouvertement.

Pour Trotsky, la revendication du parti travailliste était une tactique applicable dans des conditions particulières. Pour la RSL et les autres c’était devenu une stratégie permanente, bonne pour toutes les situations. Soulever ça à une époque où la classe ouvrière était en retrait pouvait signifier seulement créer un parti réformiste ou un jouet pour les bureaucrates gauchisants. La RSL a adopté l’idée manipulatrice de l’étapisme -- aujourd’hui un parti réformiste non pas crée par l’action de masse de la classe ouvrière mais plutôt par les bureaucrates, demain un parti révolutionnaire. Le réformisme, selon les Bolcheviks, est un piège contre-révolutionnaire et non pas un pas vers la révolution. Donc, nous signalions que la RSL se dirigeait vers la capitulation.

Les prédictions que nous avons faites il y a vingt ans ont été plus que prouvées. La faillite de cette politique du parti travailliste a été démontrée de façon criante par le congrès de fondation du “Parti travailliste” que nous avons décrit dans le numéro 52 de notre revue Proletarian Revolution. La RSL, qui avait sept fois notre taille au moment des expulsions, s’est désintégrée et a finalement disparue. Le temps a mis à l’épreuve ses cadres et ses politiques et les deux se sont avérés corrompus, ce que nous avions prédit.

L’internationalisme et l’interracialisme

L’adaptation des différents groupes de gauche au réformisme via le militantisme syndical par en bas et le travaillisme reflète les préjugés conservateurs de la classe moyenne privilégiée et des couches supérieures aristocratiques de la classe ouvrière. La LRP a reconnu dès le départ qu’une organisation révolutionnaire saine accorde une attention spéciale aux couches les plus opprimées et exploitées de la classe ouvrière. La condition de ces couches montre le futur de toute la classe ouvrière; donc les intérêts historiques de la classe ouvrière sont représentés par les intérêts immédiats des plus opprimés.

Aux Etats-Unis, cela signifiait accorder une attention spéciale à l’oppression des Noirs, qui a été une arme indispensable du capitalisme américain. C’est devenu de plus en plus le modèle pour les classes dirigeantes partout dans le monde qui cherchent à diviser et à affaiblir leur propre classe ouvrière.

Dès le début, la LRP s’est concentrée à élaborer sa stratégie interracialiste en tant que complément essentiel de l’internationalisme marxiste. Le concept d’interracialisme prolétarien fût développé en réponse aux rébellions des ghettos à la fin des années 60 et au début des années 70. Ces soulèvements furent la source des gains réels que les Noirs ont arrachés au capitalisme. Les travailleurs et les chômeurs des quartiers déshérités n’ont pas seulement défiés l’État américain; ils ont démasqués l’intégrationnisme pacifiste de Martin Luther King en tant qu’impasse. De même, leurs actes contrastaient nettement avec la combinaison par le Nation of Islam de la rhétorique militante avec la passivité sociale.

Le capitalisme aujourd’hui exige la surexploitation des travailleurs opprimés; il ne peut tolérer ni une égalité indifférente aux différences raciales ni une économie nationale noire séparée. L’interracialisme prolétarien est enraciné dans l’idée que la libération authentique et l’égalité réelle peuvent seulement être réalisées à travers la révolution socialiste. Il se fait le champion du droit des Noirs d’avoir leurs propres organisations indépendantes en tant qu’étape nécessaire vers la recréation d’un parti ouvrier interracial d’avant-garde.

Le stalinisme et les prédictions

Un parti qui ne peut prévoir le cours général des évènements mondiaux fournit une preuve claire qu’il n’est pas un parti marxiste. Personne ne peut prédire avec exactitude chaque séquence des évènements réels. Cependant, le fait de voir la direction générale de la société est à la fois nécessaire et possible pour les communistes. Sans ça, aucune stratégie révolutionnaire n’est possible. Tous les individus et tous les groupes, peut importe comment ils sont armés politiquement, font des erreurs. La question décisive est comment ils apprennent bien de leurs erreurs en les mettant constamment à l’épreuve contre la réalité et qu’ils deviennent plus exacts en se rapprochant du cours des évènements à venir.

Nous ne connaissons aucun groupe se réclamant du marxisme qui a prédit la direction que le stalinisme prendrait. Dans les premiers numéros de cette revue, nous observions que l’URSS, quoique forte militairement, était faible économiquement; les pays staliniens étaient paralysés par l’incapacité du système d’éliminer tous les gains que la classe ouvrière a fait suite à la révolution d’Octobre. Nous prédisions que les économies staliniennes qui s’effondraient devraient s’adapter aux formes capitalistes plus traditionnelles, comme la privatisation et le marché, pour intensifier leur exploitation des travailleurs. Nous indiquions aussi qu’elles pourraient aller seulement partiellement dans la voie de la décentralisation économique, étant donné les tendances dominantes à la centralisation et à la concentration à l’œuvre dans toutes les formes de société capitaliste, plus spécifiquement à l’époque actuelle.

Internationalement, en dépit des hostilités évidentes, le stalinisme était bien davantage un appui pour l’impérialisme occidental qu’un rival économique sérieux. Au plus fort de la guerre froide, nous écrivions que selon toute probabilité une prochaine guerre « chaude » se produirait entre les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne au lieu d’être centrée sur une lutte entre les Etats-Unis et l’URSS.

La gauche s’est moquée de nous quand nous avons fait ces prédictions. Les évènements à l’Est ont confirmé nos projections. La théorie pseudo-trotskyste dominante, au contraire, n’a rien prévu. Les évènements capitaux qui ont culminés en 1989-91 ont pris tous ces groupes par surprise. Leur théorie posait comme hypothèse qu’il y avait une différence de classe entre les « États ouvriers » et le capitalisme; cependant les dirigeants staliniens se sont déplacés pacifiquement de l’un à l’autre.

Les défenseurs du collectivisme bureaucratique faisaient face à la même contradiction. Les capitalistes d’État cliffistes ont évités ce problème, mais n’ont rien prédit toutefois, ayant affirmé que la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS pouvait seulement s’intensifier. Cette notion provenait d’une perspective qu’ils partageaient avec les autres théories, c’est-à-dire que le stalinisme, qu’il soit progressiste ou réactionnaire, supplanterait le capitalisme traditionnel. La réalité a enterré également ce non-sens.

Ces analyses sous toutes leurs formes étaient des justifications pour le pragmatisme, pas des guides pour l’action. Les fausse théories, reflétant la perspective de classe moyenne sous-jacente à la gauche, voyaient les États staliniens soit comme des sociétés progressistes incarnant le pouvoir ouvrier d’une façon déformée, ou comme un système où la contre-révolution avait éliminé les gains révolutionnaires du prolétariat ou le prolétariat lui-même. D’une façon ou d’une autre, le système était puissant et la classe ouvrière était jugée faible.

Par contraste, notre vision du monde nous a conduit à voir que le stalinisme était dans un état de crise permanente, un reflet exacerbé de la crise générale capitaliste mondiale. La classe ouvrière était objectivement très puissante mais subjectivement faible à cause de l’absence du parti ouvrier révolutionnaire et de sa lutte pour faire avancer la conscience de classe.

L’événement décisif qui a rompu les derniers liens entre le parti Bolchevik des ouvriers communistes qui a dirigé la révolution, et l’État qui est devenu de plus en plus la propriété de la bureaucratie stalinienne, fût la Grande Purge à la fin des années 30. Ceci a consolidé les staliniens en tant que classe dirigeante capitaliste.

Et contrairement aux « trotskystes orthodoxes » qui niaient cette contre-révolution, nous maintenions que la révolution socialiste pouvait seulement être faite par la classe ouvrière avec son parti révolutionnaire à sa tête. Au contraire, ils n’ont pas laissé l’écrasement de la classe ouvrière par les staliniens en Europe de l’Est, en Chine et partout ailleurs les empêcher de voir un rôle progressiste pour le stalinisme et de déclarer la création « d’États ouvriers déformés » dans ces pays.

Nous avons constamment combattu pour le thème central de Karl Marx à l’effet que le prolétariat pouvait seulement atteindre la conscience révolutionnaire à travers ses propres actions de classe. Notre concept défini a donc été la lutte pour le parti révolutionnaire en tant qu’instrument des travailleurs avancés eux-mêmes.

Recréons la Quatrième Internationale

Même si nous avons été restreint dans notre membership aux Etats-Unis pour la plus grande partie de la vie de notre organisation, nous avons toujours compris que nos politiques devaient être celles d’une tendance internationale, la base pour un parti mondial de la classe ouvrière. Les intérêts de la classe ouvrière sont internationaux et peuvent seulement être résolus par la révolution socialiste mondiale. Un parti des travailleurs avec la conscience de classe la plus avancée, réunissant ensemble leur expérience de la lutte de classe aux quatre coins du globe, est nécessaire pour la victoire de la révolution socialiste.

Nous cherchons à recréer la Quatrième Internationale, le parti révolutionnaire mondial dirigé par Léon Trotsky après la destruction de la Troisième Internationale, et l’héritier des politiques révolutionnaires des trois premières Internationales.

En 1987, après d’intensives discussions politiques qui ont confirmé un accord politique général, nous avons engagé une relation fraternelle avec le Workers Revolution Group (WRG) en Australie. (Voir PR 28). Le parti mondial que nous cherchons à construire sera basé sur le centralisme démocratique, par lequel une direction internationale dirigera la lutte politique générale de ses sections nationales. Mais nos ressources limitées nous empêchent d’avoir un tel centralisme. Nos relations fraternelles ont reconnu ça, exprimant le fait que nous deux groupes avaient un accord stratégique large mais ne pouvaient pas être responsables pour les décisions tactiques importantes de l’autre.

Cinq ans plus tard la LRP et le WRG ont établi des relations fraternelles avec la Ligue pour le Parti Révolutionnaire (FRP) de Suède. En même temps, les trois groupes fraternels ont adopté le nom de l’Organisation Communiste pour la Quatrième Internationale (OCQI). (PR 41).

La grève générale de 1992 à Melbourne en Australie a vu le WRG participer à une bataille de classe décisive et gagner une expérience importante pour notre tendance internationale. Cependant, suite à la défaite de cette lutte, le cynisme qui s’est répandu à l’intérieur de la gauche a infiltré les rangs du WRG et a décimé le groupe. Ensuite en 1995, des différences politiques entre nous et le FRP de Suède a rendu nécessaire de dissoudre les relations fraternelles. (PR 46 et 48). Aujourd’hui nous maintenons la bannière de l’OCQI comme nous avançons vers des relations internationales qui seront cruciales pour recréer la Quatrième Internationale.

Les luttes révolutionnaires à venir

Notre analyse du stalinisme est loin d’être simplement une question historique : elle est cruciale pour notre perspective sur les luttes révolutionnaires de masse qui se dressent à l’horizon. Nous étions capables de prévoir la chute du stalinisme parce que nous comprenions comment les rapports de propriété étatisés de l’Est rendaient ces économies plus vulnérables à la crise économique en évolution du capitalisme mondial. Nous avons ainsi prédit que l’effondrement du stalinisme à l’Est présagerait une crise semblable à en Occident, comme la stagnation industrielle croissante et l’instabilité financière l’attestent.

La plupart des groupes pseudo-marxistes reconnaissent que le capitalisme se dirige vers une crise, mais leurs théories montrent la direction opposée. Ceux qui voyaient le stalinisme comme étant progressiste devraient s’attendre à une reprise capitaliste mondiale sur la base de son effondrement. Ceux qui voyaient ces sociétés comme étant capitalistes ainsi que la tendance du développement capitaliste futur montrent seulement leur confusion et leur pragmatisme aujourd’hui.

Les éruptions de la classe ouvrière en Europe de l’Est durant les années 80 montrèrent à Gorbatchev et cie la porte de sortie et renversèrent le système. Aujourd’hui, les agences bestiales du capitalisme, le chauvinisme national et le racisme font le sale travail de promotion des guerres fratricides parmi les travailleurs partout dans le monde. Le capitalisme est forcé d’utiliser ces armes parce que son système est en train de s’effondrer.

Dans les États post-staliniens, la bourgeoisification ne se poursuit pas facilement; les travailleurs ne considèrent pas favorablement l’inflation endémique et le chômage de masse que le « modèle occidental » leur a apporté. En Occident, les immenses grèves françaises à la fin de 1995 furent répétés à la fin de 1996 et sont un signe ce qui s’en vient. Dans le Sud, la colère de la classe ouvrière à l’esprit socialiste de l’Afrique du Sud croît d’une manière de plus en plus explosive au sujet du l’absence de changement apporté par la même vieille classe dirigeante, maintenant tachetée avec des visages noirs.

Les mauvais dirigeants réformistes de la classe ouvrière évitent la lutte en capitulant face aux attaques capitalistes. Ils permettent d’énormes réductions dans les salaires et une croissance massive du chômage. Ils embrassent les divisions de la classe ouvrière en acceptant ouvertement le chauvinisme national et s’adaptent secrètement au racisme.

Néanmoins, un soulèvement de masse et une confrontation de classe sont absolument inévitables; une conclusion révolutionnaire réussie ne l’est pas. Le combat pour démasquer les bureaucrates réformistes qui dominent les syndicats partout dans le monde, tout comme leurs partis sociaux-démocrates, doit être intensifiée. La lutte de classe a reçu une magnifique piqûre dans le bras quand l’emprise des staliniens à l’Ouest comme à l’Est fût brisée; maintenant les restes de la bureaucratie doivent être écrasés pour que la révolution soit un succès. Un élément vital dans le travail politique nécessaire pour recréer l’authentique Quatrième Internationale est le combat contre le cynisme, plus particulièrement le cynisme au sujet de la capacité révolutionnaire du prolétariat mondial. Aujourd’hui, c’est l’arme idéologique majeure du capitalisme décadent et une arme principale entre les mains de ses défenseurs à l’intérieur du mouvement ouvrier, les bureaucrates.

Les centristes, relativement petits et découragés de nos jours, servent encore en tant qu’arme vitale pour la bureaucratie. Leurs théories cyniques leur permettent encore de corrompre la croissance de la conscience et de jouer un rôle en détournant les travailleurs avancés loin de la tâche cruciale de recréer leur parti révolutionnaire. Le combat contre ces forces est un élément important dans la lutte pour construire le parti d’avant-garde au Etats-Unis et ailleurs.

Contrairement aux manœuvres des sauveurs condescendants et cyniques du marxisme de la classe moyenne, nous réaffirmons notre croyance dans la leçon que nous ont enseignés nos grands professeurs -- Marx, Engels, Lénine, Luxemburg, Trotsky : une classe ouvrière combattante a besoin de connaître la vérité par-dessus tout. Après vingt ans, la LRP reste dédiée à la l’idée qu’un prolétariat en action, conscient de son réel pouvoir de masse, dirigé par son avant-garde la plus consciente, peut détruire le règne du capitalisme meurtrier et créer une société vraiment humaine.

Les bolcheviks nous ont enseigné que les mauvaises époques endurcissent complètement les cadres d’un parti révolutionnaire de la même façon que les bonnes époques et les luttes de classes couronnées de succès. Ce n’est pas accidentel que la LRP ait non seulement enduré les années noires mais qu’elle se soit bien préparée pour l’armement politique en vue des luttes à venir.


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